« La vie, ce concept mystérieux, est ramenée à la présence d'ADN.
Il n'y a plus de frontière entre matière animée et inanimée.
Tout n'est qu'une question de degré de complexité ».
Albert Jacquard
Biologiste, Généticien, Scientifique (1925 - 2013)






ADN
et mémorisation.





2- L'ADN et la mémoire :

A – Aux origines de la découverte :

    a – L’apprentissage synaptique :
    Tout aurait pu commencer en 1894 lorsque, à l’époque de la naissance de la psychanalyse avec Sigmund Freud (1856 - 1939). Le neurobiologiste espagnol, Santiago Ramón y Cajal avait émis l’hypothèse que la mémoire est stockée non dans les neurones (leur découverte lui vaudra le prix Nobel en 1906), mais dans la formation de nouvelles connexions (les synapses).
    Toutefois, comme il ne disposait pas des instruments nécessaires pour mener à bien ses recherches, il ne fut pas en mesure de valider son intuition. C'est seulement au cours des années 1960 que le psychiatre et neuroscientifique E. Kandel a confirmé le modèle de l'apprentissage synaptique.
    Après avoir travaillé sur le cerveau des mammifères, trop complexe pour les moyens dont il disposait, il s’est penché sur un animal plus simple : l'aplysie.
Aplysia Californica ressemble à une grosse limace, mesurant jusqu'à 35 centimètres et pouvant peser 2,5 kilogrammes. Agressé, il émet un liquide rouge violacé.

    Pourquoi le choix de cet animal ? Tout d’abord parce qu’il possède un système nerveux simple constitué de 20 000 neurones seulement, dont la plupart sont assez gros pour être vus à l'œil nu.

Aplysia californica
Aplysia californica éjectant son encre.

    Grâce à l'aplysie, E. Kandel a pu démontrer que ce n’est pas en modifiant nos neurones que nous apprenons, mais en renforçant nos synapses, ou en en créant de nouvelles.

Renforcement des synapses lors de la mémorisation
Création et renforcement des synapses lors de la mémorisation.

    E. Kandel a pu montrer que les aplysies, dans le cadre d’un apprentissage, utilisent toutes le même circuit de 30 neurones. Or, si cet apprentissage implique toujours les mêmes neurones, cela signifie que les différences d’apprentissage qui apparaissent entre les différentes aplysies se situent non dans les neurones mais dans leurs interconnexions, ce qui a permis au chercheur d’affirmer un support synaptique de la mémoire.
    Cette constatation lui a alors permis de découvrir le rôle déterminant des gènes dans l'élaboration des synapses : ils donnent tout d’abord forme au corps en codant pour les protéines, puis ils modifient les synapses en fonction des modifications environnementales.

    Ces découvertes sont à l’origine de la conception « connexionniste » des neurosciences : le cerveau est un organe plastique, dont l’ensemble des connexions entre neurones et aires cérébrales ne cesse d’évoluer.

    b - Les planaires et les interrogations :
    Au cours de la même période, dans les années 1960, le chercheur américain James Mc Connell avait décrit des capacités inhabituelles de conservation de la mémoire chez les planaires, vers plats aquatiques qui intéressent les scientifiques pour leur capacité de régénération.

planaire
planaire
    Lors de sessions d’apprentissage, les vers recevaient un flash de lumière suivi d’une décharge électrique jusqu’à ce qu’ils mémorisent le danger et fuient lors du flash lumineux. Puis le chercheur leur coupait la tête, supprimant ainsi les neurones et synapses considérés comme les supports de la mémoire. Or, après régénération de la tête, la mémoire du choc électrique n’avait pas disparu.

Conditionnement d'une planaire

Planaire conditionnée

Conditionnement conservé chez la planaire après régénération de la tête

    Où l’information était-elle donc stockée ? Car, dans une autre expérience ou le ver broyé était donné à dévorer à un autre, la mémoire acquise était également transmise au ver dévoreur.

Transmission de la mémoire d'une planaire à l'autre

            De ces diverses expériences, James Mc Connell avait déduit une thèse audacieuse et contestée par la communauté scientifique sur les « bases biochimiques de la mémoire ».

    Â la même époque, il était tout aussi mystérieux que la perception d’une odeur chez la larve de papillon puisse se maintenir durant toute sa métamorphose qui réorganise profondément l’ensemble de ses connexions neuronales : l’information qu’elles contiennent devrait être perdue.

Métamorphose du papillon
    Pourtant, les expériences montrent qu’un papillon manifeste, après sa métamorphose, une préférence marquée pour certaines feuilles qu’il n’a pourtant connu qu’à l’état de larve. De même chez la mouche, la peur d’une odeur associée à un choc électrique mémorisée par sa larve se transmet à sa forme adulte.

    Le même phénomène s’observe chez des animaux plus complexes comme l’écureuil arctique. Ce mammifère hiberne près de neuf mois. Au cours de cette longue période, les connexions entre ses neurones s’atrophient, y compris dans les aires cérébrales liées à la mémoire à long terme.
Pourtant, lorsqu’il se réveille, il n’a perdu aucun souvenir, ni celui de sa colonie, ni des exercices qu’il a appris avant l’hiver sous la direction des scientifiques. La conception connexionniste ne peut expliquer ce phénomène !

    Aujourd’hui, grâce aux découvertes de David Glanzman (université de Californie), ce processus de mémorisation, que les chercheurs situaient uniquement au niveau des connexions entre neurones, apparaît sous un nouveau jour.

    c - Les molécules des souvenirs :
    Les expériences que David Glanzman a lui aussi menées sur le cerveau de l’Aplysia Californica, lui ont permis d’isoler, sous forme moléculaire, un souvenir qu’il a ensuite transféré dans le cerveau d’un autre spécimen !
Ce faisant, il venait de donner accès à une compréhension nouvelle des mécanismes intimes de la mémoire.

Conditionnement de l'aplysie
transfert de molécules mémorielles entre aplysies
Conditionnement transféré entre aplysies
    Son expérience montre en effet que les souvenirs possèdent un autre support, inconnu jusqu’à présent : un ensemble de molécules qui peuvent être introduites dans un autre organisme avec une simple seringue.

    Alors que les expériences avec la planaire permettaient d’étudier les modifications au sein d’un même organisme sans pouvoir en déterminer l’origine, il est devenu possible d’étudier leur rôle en isolant les molécules concernées et en les transférant directement dans un autre organisme, quel que soit l’organisme récepteur.

B – La neuro épigénétique, une nouvelle discipline :

        Quel substrat moléculaire pouvait-il posséder cette propriété paradoxale de mémoriser sans cesse de nouvelles expériences, tout en les fixant durablement dans le cerveau ?
    Jusqu’ici, les neuroscientifiques pensaient posséder la réponse à ce mystère. Le réseau synaptique était suffisamment dense grâce à ses 1000 milliards de connexions pour stocker les souvenirs de toute une vie, assez souple pour se modifier au fil des circonstances et suffisamment stable pour assurer le maintien des souvenirs dans le réseau synaptique.
    Tous les organismes étudiés semblaient confirmer ces conclusions : le siège de la mémoire se trouvait bien dans la plasticité cérébrale et les interconnexions entre neurones. Cette idée a même trouvé un champ d’application en intelligence artificielle, pour renforcer l’apprentissage de réseaux de neurones [cf : Le cerveau artificiel].

    Malgré ces résultats apparemment solides, l’incertitude continuait à régner du fait d’autres observations contradictoires. Comment la mémoire pouvait-elle être stockée en dehors des synapses ?
    C’est la neuro épigénétique qui a permis de répondre à la question.
Cette science en plein développement étudie en effet les modifications chimiques qui se produisent au sein de l’ADN des neurones [cf : Les gènes sauteurs] : celui-ci est en permanence l’objet de modifications (les marques épigénétiques) qui, sans modifier sa chaîne, contrôlent la manière dont elle s’exprime et détermine l’état biochimique des neurones du cerveau.

    L’expérience de Glanzman a permis ainsi de confirmer la nature moléculaire de la mémoire [cf : L'ADN transmet aussi les souvenirs], ce qui a remis au centre des débats une hypothèse émise dès le début des années 1980 par Francis Crick, (découvreur avec James Watson de la structure de l’ADN en 1953). Il y suggérait que la mémoire soit codée par des modifications de l’ADN chromosomique.

Double hélice d'ADN
L’ADN, une double hélice.

    Il s’avère aujourd’hui que c’est donc au cœur même de l’ADN des neurones, et plus précisément dans les molécules dites épigénétiques que se cachent les souvenirs.

    a – Les mécanismes biochimiques en jeu :
3 réactions moléculaires sont à l’œuvre :
1 – La méthylation de l’ADN, par laquelle un groupe méthyle (CH3) s’ajoute à l’ADN et amorce la mémoire
Dès qu’un souvenir se forme dans notre cerveau, une multitude d’enzymes, les méthyltransférases, œuvrent au sein des neurones concernés. C’est en bloquant l’action de ces enzymes chez des rats que David Sweatt (université Vanderbilt, États-Unis) a pu montrer qu’ils perdaient leurs capacités de mémorisation.

Structure de base de l'adn
Structure de base de l'adn.

    2 – La mémoire ainsi amorcée va être stabilisée par d’autres modifications épigénétiques (Acétylation, phosphorylation…) qui vont fixer l’état d’expression des gènes.
Là encore, si on empêche ces modifications chez des rats, la mémorisation ne dure pas plus de quelques heures.

    3 – La persistance de toutes ces modifications chimiques va être assurée par des ARN non codants.

    b – Une nouvelle compréhension de la mémoire :
    Jusqu’ici, les chercheurs avaient écarté cette nouvelle vision du stockage des souvenirs. En effet, si ceux-ci sont supportés par des molécules, comment peuvent-ils être conservés toute une vie alors que la durée de vie d’une protéine ne dépasse guère une semaine pour les plus stables ?
Or les marques épigénétiques sont non seulement assez plastiques pour stocker de nouvelles informations, mais elles se révèlent particulièrement stables, autorisant la persistance des visages, des objets, des odeurs, des couleurs, des mots, des connaissances, et de toute la richesse émotionnelle des souvenirs.

    Ces actions épigénétiques permettent de plus de contrôler avec précision les gènes présents sur l’ADN, en les bloquant, les activant et même en régulant leur niveau d’expression.

    Chaque marque épigénétique, prise séparément, offre un nombre de possibilités limitées, mais une fois combinées entre elles, elles se montrent capables de stocker des mémoires aussi complexes que la nôtre.

gène codant pour des protéines

S

gène non codant

    Pour mieux comprendre l’étendue de leurs capacités, il n’est que de constater le nombre de milliers de mots issus d’un alphabet de 26 lettres.

alphabet
enfant lisant un dictionnaire
    A l’intérieur du noyau, la chaîne d’ADN pourrait alors être comparée à un disque dur composé de molécules dont on modifie la position des atomes pour modifier l’information contenue.

    Pourtant, malgré cette avancée extraordinaire dans la connaissance des mécanismes intimes de la mémoire, on ne connaît pas encore les régions de l’ADN qui se méthylent ou se diméthylent selon nos souvenirs. Étant donné le nombre de gènes présents dans la chaîne d’ADN, les répertorier risque d’être un travail de longue haleine.

    c – Le transfert de cette mémoire d’un neurone à l’autre :
    En attendant de savoir comment se stocke cette mémoire épigénétique, les biologistes ont découvert comment elle passe d’un neurone à l’autre par l’intermédiaire de petits sacs transportant protéines et ARN.
Malgré l’importance que peut avoir ce mode de communication non synaptique, il ne peut remplacer la rapidité d’exécution de la communication synaptique, indispensable au rappel de la mémoire.

Stockage et transmission de la mémoire entre cellules
Du neurone à la cellule :
Multiplication des synapses : recherche et apport d’information - enregistrement et stockage des informations utiles– restitution de l’information.

Stockage et transmission de la mémoire entre   serveurs informatiques et ordinateurs
Du moteur de recherche à l’internaute :
Multiplication des connexions - Recherche et apport d’information - enregistrement et stockage des informations utiles– restitution de l’information.

    Notre mémoire à long terme peut être comparée à un serveur internet dont la mémoire physique est capable de stocker une masse d’informations utilisables par l’internaute, à condition que ce dernier possède l’ordinateur (la synapse) qui lui permet de recevoir l’information recherchée.

    Aujourd’hui, la neuro-épigénétique est la spécialité qui permet de reconnaître l’existence de ces molécules qui œuvrent en complément du câblage ! Pour en revenir à la comparaison informatique, le neuroépigénéticien est l’équivalent de l’informaticien qui connaît l’existence des électrons sur un microprocesseur sans pouvoir suivre leur déplacement, ni modifier le circuit qui l’orientera différemment.

    Le développement de cette faculté du code épigénétique à contrôler aussi finement l’état biochimique d’un neurone pourrait expliquer pourquoi les neurones ne se divisent pas comme les autres cellules de l’organisme.
Il s’agirait d’une répartition des tâches dont nous avons pu voir l’importance à tous les stades de l’évolution.
    Dans les cellules corporelles, la machinerie épigénétique intervient dans la division cellulaire, nécessaire pour assurer la réparation des organes et l’homéostasie], elle-même indispensable pour assurer les meilleures conditions de fonctionnement pour les cellules. Le code épigénétique assure ici une fonction de mémoire affectée à la régulation intercellulaire pour laquelle la rapidité des réactions n’est pas le facteur dominant.
    Les neurones, de leur côté, sont essentiellement impliqués dans les fonctions cognitives qui mobilisent toutes les ressources de cette machinerie : c’est en effet l’ensemble du corps qui doit réagir instantanément à des conditions très variables. Pour cela, les neurones possèdent une capacité de méthylation de l’ADN que ne possèdent pas les autres cellules !

Coordination entre cellules corporelles spécialisées
Coordination entre cellules corporelles.

Réponse de l'organisme à un stimulus externe
Réponse du corps aux conditions environnementales.

    d – Le saut des générations :
    Enfin, ces marques sont transmissibles lors des divisions cellulaires, ce qui se révèle particulièrement important pendant le développement embryonnaire.
Nous savons en effet que l’embryon se construit à partir de cellules toutes identiques. Pourtant, elles vont devoir recevoir des signaux très différents pour pouvoir s’engager sur des voies de spécialisation complémentaires et construire un organisme viable et déjà adapté aux conditions qu’il va rencontrer à la naissance.

    Les marques épigénétiques alors actives vont donc se transmettre au cours des divisions cellulaires dans un organe pour que toutes les cellules de l’organe possèdent la même fonction et constituent un ensemble cohérent.

Différenciation des cellules embryonnaires
Cellules identiques – spécialisations diverses au sein de l’embryon – organes différenciés.

    Certaines marques épigénétiques se montrent même capables de passer à la descendance.

    Ainsi en va-t-il des gènes soumis à "l’empreinte parentale". Nous possédons au départ tous les gènes de nos parents, ceux de notre mère et ceux de notre père. Mais pour déterminer le sexe, une seule des copies est utilisée : la méthylation de l’ADN se doit donc d’inhiber l’autre copie de manière définitive, dans le spermatozoïde ou dans l’ovule. Cette mémoire parentale épigénétique ainsi modifiée est transmise à la descendance au moment de la fécondation et elle est maintenue dans l’organisme tout au long de la vie. Pourtant, elle va s’effacer dans les gamètes (ovules et spermatozoïdes).

    De même, certains comportements pourront être transmis, comme nous avons pu le voir [cf : L'ADN transmet aussi les souvenirs].

C – L’évolution, aux origines de la mémoire :

    a – De la cellule aux organismes complexes :
    Cependant, les mécanismes épigénétiques ne sont pas spécifiques des neurones. Cela fait des milliards d’années que les bactéries utilisent la méthylation pour mémoriser les caractéristiques olfactives nécessaires pour trouver leur nourriture.
La mémoire insérée dans la chaîne d’ADN est donc avant tout la mémoire de la cellule, et elle intervient pour des raisons d’adaptation vitale à l’environnement. Grâce aux marques épigénétiques au sein de sa chaîne ADN, chaque cellule est capable de mémoriser ce dont elle a besoin.

adn et mémorisation des besoins et des adaptations de la cellule
Cellule réagissant en fonction de la mémoire stockée dans son ADN.

    C’est d’ailleurs une mémoire de type épigénétique qui est soupçonnée chez Physarum polycephalum, une cellule à la taille extraordinaire pouvant atteindre plusieurs mètres carrés, également connue sous le nom de « Blob ».
    C’est cette mémoire qui permet à la cellule d’apprendre, de stocker des informations et même de les transmettre à ses voisines.

Un blob sur un tronc d'arbre

    Un peu plus tard dans l’évolution, les premières associations de cellules sous forme de colonies ou d’organismes plus élaborés mais sans système nerveux, utiliseront cette mémoire transmise de cellule à cellule [cf : la méduse].

Méduses
L'ADN renferme la mémoire de la cellule

L'ADN renferme la mémoire des interactions entre cellules

    La mémoire inscrite dans les molécules d’ADN est la première étape, mise au point au cours de l’évolution, pour stocker des informations et communiquer au sein des organismes primitifs, bien avant l’apparition des neurones. Plus tard, au fil de la transformation des espèces vers plus de masse et de complexité, un transport de plus en plus rapide de l’information s’est imposé.

    C’est grâce aux neurones que les synapses conserveraient la mémoire des interrelations de l’organisme avec le milieu extérieur.

Mémoire synaptique et comportements
Synapses indispensbles à la mémorisation des comportements.

Réseau neuronal et facilitation des réactions
Réseau neuronal indispensable au transfert rapide d'informations.

    D’ailleurs, les cellules végétales utilisent elles aussi la méthylation de l’ADN outre la modification chimique de la chromatine.

    Ainsi, la vie a rarement eu besoin d’inventer de nouveaux systèmes à chaque étape de son évolution : elle s’est contentée d’utiliser les acquis tout en les améliorant ou en les complétant : l’axone et la synapse se sont donc contentés d’accélérer le transfert des informations entre cellules éloignées, tout en conservant les moyens de stockage préexistants dans la cellule.
    Ainsi, il est possible de comprendre que l’homme puisse posséder 95,5% de son ADN en commun avec son cousin le chimpanzé puisque, pour devenir ce qu’ils sont, ils se sont contentés d’adapter à leurs besoins des fonctionnements préexistants.

    De même, la découverte de l’électronique et le développement de l’internet facilitant les échanges entre les êtres humains n’a supprimé ni les êtres humains, ni leur capacité à mémoriser.

    Finalement, le mécanisme mémoriel retrouvé dans le cerveau des animaux les plus évolués concerne l’ensemble des êtres vivants.

    Pour la première fois, un schéma général de la construction de la mémoire apparaît dont l’ADN est l’élément fondateur. Sur cette base s’élèvent toutes les formes de mémoire depuis la mémoire des cellules et des fonctionnements internes, jusqu’à la mémoire des souvenirs, des émotions ou des comportements.

ADN et mise en place des structures
Mémoire épigénétique et adaptations cellulaires
Mémoire des échanges entre l'organisme et le milieu extérieur
Mémoire des comportements par rapport au milieu extérieur
    D’ailleurs, si l’on y regarde de plus près, toute matière est le support et la mémoire d’un autre élément de l’univers :

- Au niveau atomique, les électrons stockés sur une carte électronique constituent la mémoire d’un ordinateur,

Cartes mémoire

- Au niveau des molécules, la chromatine sert de mémoire à la plante pour distinguer l’hiver du printemps, se prémunir des attaques de pathogènes, tenir compte du manque d’eau, et communiquer à ses semblables les changements intervenus dans le milieu extérieur (prédateurs…).

Fonction des racines d'un végétal

- Quant au fond diffus cosmologique, il constitue la mémoire d’un univers passé, et la mémoire de nos origines.

Le fond diffus cosmologique

    Ces mécanismes montrent l’existence de deux types de mémoire, l’une stockée dans l’ADN et l’autre liée à la multiplication des synapses des neurones. Ils font apparaître aussi deux modes d’action de cette mémoire :
- une mémoire codant pour la structure de l’organisme,
- et une mémoire gérant les circonstances environnementales.

ADN et mémoire

Synapses et mémoire

    La multiplication des synapses indique donc essentiellement la mémorisation et le renforcement des actions à accomplir, et la capacité de mettre rapidement en œuvre les réponses aux informations préalablement mémorisées.
Elles viendraient en complément de la mémorisation qui vise à protéger la cellule au sein de l’organisme.

La mémoire, de l'ADN au neurone

    b - L’avenir de l’espoir à l’inquiétude :
    L’ensemble de ces résultats laisse entendre que des molécules pourraient améliorer nos capacités cognitives. En effet, si l’on injecte de la trichostatine à des animaux juste avant un apprentissage, ils se souviennent mieux de la leçon apprise et durant plus longtemps (la trichostatine supprime les marques épigénétiques d’acétylation sur la chromatine).qui s’opposent à la mémorisation.

    On peut donc imaginer qu’un jour prochain nos souvenirs pourraient être renforcés ou inhibés en fonction des besoins, ouvrant la voie à des perspectives thérapeutiques.
    Par exemple, ce mécanisme pourrait être utilisé dans le traitement de certaines maladies, comme la maladie d’Alzheimer. Cette dernière provoque en effet l’augmentation d’enzymes qui font disparaître les marques d’acétylation des histones, processus qui efface peu à peu la marque biochimique des souvenirs et empêche d’en fabriquer de nouveaux.
    C’est ainsi qu’en bloquant l’action de ces enzymes dans le cerveau de souris atteintes de la maladie d’Alzheimer, les chercheurs leur ont fait retrouver la capacité d’enregistrer de nouveaux souvenirs !

    Un autre espoir est lui aussi caressé : empêcher les souvenirs traumatisants de se graver dans les régions du cerveau associées aux souvenirs émotionnels...

    L’ensemble de ces résultats laisse entendre que des souvenirs détenus par de minuscules brins d’ARN non codants pourraient, un jour, être transmis directement par une seringue.

    Plus inquiétante est alors l’idée que des souvenirs humains pourraient également être isolés et transférés par un clone de Josef Mengele.

D – Hypothèses :

    Si, dans le cas du Blob, la mémoire relève bien de mécanismes épigénétiques, on constate que ceux–ci sont parfaitement adaptés aux besoins de la cellule (déplacement, nutrition…) et qu’ils commandent même toute la vie de relation. Il en va de même pour toute autre cellule, qu’elle soit indépendante ou appartienne à un organisme structuré, tant dans le règne végétal qu'animal.

Adaptation de l'amibe à son environnement
Adaptation des associations de cellules spécialisées à leur environnement
Evitement d'une molécule agressive.
Coopération de cellules spécialisées.
    Dans le cas de la planaire, la mémoire est bien stocké par des mécanismes épigénétiques qui se situent dans les cellules corporelles de l’animal comme dans ses neurones. Or, ces derniers sont l’aboutissement d’une évolution destinée à raccourcir les temps d’accès entre la cellule réceptrice et la cellule motrice, et par là même le temps de réaction entre le stimulus agressif et la réaction d’évitement.
    Les neurones n’interviendraient donc, qu’après l’apparition de cellules spécialisées dans les déplacements rapides (ondulations chez la planaire).
    Dans l’expérience de J. M. Connell, les neurones situés dans la tête ayant été supprimés, on peut en déduire qu’en se reconstituant dans la nouvelle tête, la mémoire a été réinitialisée par des échanges en provenance des cellules corporelles.
    Curieusement, nous retrouvons ici le même processus qu’au sein d’une nation démocratique : la perte d’un gouvernement entraîne la création d’un nouveau, mais ce sont bien les besoins des citoyens qui seront à nouveau pris en compte.

    Chez la planaire, les cellules qui ont subi le choc électrique ne peuvent plus y échapper sans les neurones moteurs, mais le besoin d’échapper à l’agression subsiste. Les prochains neurones devront en tenir compte, et ils pourront même prévenir le danger en voyant la lumière annonciatrice.
La mémoire cellulaire demeure donc à la base des besoins vitaux ; les aménagements ultérieurs ne feront qu’améliorer la vitesse de réaction. Les techniques humaines ne font pas mieux.

Conditionnement de la planaire
Mémorisation moléculaire par la cellule
Mémorisation synaptique par le neurone.

Rôle de la mémoire épigénétique
La mémoire épigénétique subsiste
mais elle ne peut entraîner de réponse collective.

Transmission de la mémoire épigénétique vers la mémoire synaptique
Reconstitution de la mémoire synaptique
Réponse collective et rapide.

La mémoire, de la cellule à l'homme
La mémoire inscrite dans l’ADN permet l’anticipation chez la cellule,
tout comme le cortex frontal le fait chez l’homme.

    Progressivement, les neurones vont se multiplier. Puis, comme dans toute collectivité, ils vont s’associer et se spécialiser, développant même un véritable centre de commandement à même de regrouper et mémoriser les informations vitales et d’y répondre.

    Aujourd’hui, les organes corporels peuvent être comparés à un ensemble de nations, dont chacune abrite des sujets et un gouvernement, le tout relié par le gigantesque réseau de l’internet.

La mémoire, de l'organisation interne de l'homme à celle des sociétés humaines

La mémoire, de l’organisme humain à l’organisation des sociétés humaines

    Dans ce réseau, chacun peut trouver un serveur qui lui fournira l’information qu’il recherche.

    Enfin, si nous poursuivons l’analogie avec le réseau internet, le moteur de recherche que chacun consulte est une entité complexe capable non seulement de mémoriser, mais aussi, par le seul déplacement d’électrons, de trouver l’information désirée.
Comment ne pas imaginer que cette double fonction de stockage et de recherche de l’information existerait aussi dans la double hélice d’ADN ?

Le moteur de recherche Qwant
La double hélice d'ADN
Moteur de recherche Qwant (Nice-France)
(stockage et recherche de l’information)
Chaîne d’ADN
(stockage seul ?)

Ainsi, dans le corps des animaux sociaux, deux types de mémoire pourraient agir en parallèle :
– l’une consciente, par le biais du cerveau,
– l’autre non consciente, transmissible par l’ADN.

E - Conclusion :

    Ainsi, alors qu’on pensait que la mémoire était située dans les connexions entre neurones, on sait aujourd’hui qu’elle est aussi gravée au cœur de leur noyau, comme elle l’est déjà dans toute cellule vivante.

    Disparaît alors le mythe de la pensée et des souvenirs qui seraient le fruit d’une « intelligence indépendante de son support matériel », alors qu’elle est l’aboutissement d’interactions moléculaires, et que la majorité des informations qui vont guider son cheminement échappe totalement à la conscience.

    L’ensemble des cellules corporelles possèderait ainsi une mémoire répondant aux besoins de l’organisme et aux fonctionnements vitaux, comme c’est le cas pour les cellules uniques.

    Quant à la spécificité des neurones, elle serait de faciliter le stockage et la recherche des informations réparties dans la multitude des cellules corporelles. Leur plasticité permettrait également de sélectionner la réaction la plus appropriée dans un environnement sans cesse changeant. Les réponses déterminées par les relations avec le milieu extérieur (communication, fuite, agressivité, indifférence…) se feraient en fonction de l’expérience acquise.
La mémoire synaptique serait donc attachée aux adaptations de l’ensemble des cellules de l’organisme pour la survie commune, et dépendante des fonctions réflexes et instinctives.

    Chez l’homme, la conscience aurait un accès limité aux réactions instinctives et émotionnelles car, dans le contexte d’une collectivité, elle est amenée à répondre en priorité à des fonctionnements qui oublient la sensibilité et privilégient les informations d’ordre social.

    C’est ainsi qu’un accidenté grave pourra être frappé d’amnésie, non pour les souvenirs fixés dans l’ADN qui lui permettent de vivre, mais pour les souvenirs de sa vie passée en collectivité fixés dans l’organisation des synapses.
Nous retrouvons ici l’expérience de la planaire à la tête coupée qui, malgré la « perte de mémoire » synaptique, a conservé la mémoire de ses besoins vitaux. Cette mémoire sera immédiatement transmise aux nouveaux neurones.











Résonance, empathie et compassion : (suite)