« L’homme n’est moral que lorsque la vie en soi, celle de la plante et de l’animal
aussi bien que celle des humains, lui est sacrée,
et qu’il s’efforce d’aider, dans la mesure du possible, toute vie se trouvant en détresse. »




Sens moral
et religion.





3 - La religion est-elle à l'origine du sens moral ?

A – Les religions ou les origines présumées de la morale :

    a – La vision des philosophes :

    En 1802, dans "Le Génie du Christianisme" : Chateaubriand défend la sagesse et la beauté de la religion chrétienne par ces mots : "Ce n'est pas la religion qui découle de la morale, c'est la morale qui naît de la religion".
En effet, une personne vraiment croyante, portée par l’enseignement des prophètes ou subjuguée par la crainte d’un châtiment éternel, se sentira tenue d’avoir un comportement exemplaire.

Or, un athée, qui n’a aucune obligation devant Dieu, peut adopter un comportement moral pour son propre bien-être et celui des autres.
La religion ne semble donc pas être un fondement nécessaire à la morale.

    La morale existerait-elle en dehors de toute religion ? Serait-elle une qualité inhérente à l’individu avant même d’être l’aboutissement d’une culture ?
Aristote (384-322 avant notre ère) démontre dans « la Physique » qu’il existe un Premier Moteur immobile l’origine de tout mouvement dans l’univers. Son argumentation se fonde sur le principe de causalité qui, appliqué au mouvement implique que « Tout mouvement a nécessairement un moteur, lui-même mû par un autre moteur » (Physique, VII, 1, 241 b). Comme il n’est pas possible de poursuivre le raisonnement à l’infini, il doit exister un Principe premier éternel à l’origine de tout mouvement dans l’univers.

    L’argumentation d'Aristote qui propose ce moteur premier, a été reprise plus tard par Voltaire (1694-1778), dans « Les cabales ».
        « L'univers m'embarrasse, et je ne puis songer
        Que cette horloge existe et n'ait point d'horloger. »

    Un maître-horloger suprême existerait donc. Serait-il à l’origine de la morale, et toute la création serait-elle concernée ?
On s’attendrait dans ce cas à ce que la morale qui régule tous les comportements sociaux soit universelle, or elle varie en fonction des groupes et des pays. Les religions elles-mêmes, dans leur diversité, la font éclater en une multitude d’injonctions parfois contradictoires. Les religions seraient-elles vraiment d’émanation divine ?

    Quant aux animaux, dont nous avons vu qu’ils avaient un sens moral, possèderaient-ils aussi un sens religieux ?
On a pu observer que, lors de violents orages, les chimpanzés semblaient réagir comme si les forces de la nature avaient pour origine un prédateur menaçant qu’ils tentaient alors de chasser. Pourrait-on y voir un indice de « croyance » en des êtres invisibles ?
Etant donné les similitudes entre le comportement des chimpanzés et des hommes, et le nombre de gènes partagés, il serait tentant de le croire. Leur sens moral pourrait, dans ce cas, avoir pour origine un sens « mystique ».
Il est toutefois plus probable que l’ignorance qu’ils ont de la nature de l’orage, les amène à réagir comme ils le font face à un danger.
    Comme il nous est impossible de le savoir avec certitude, et, pour éviter de sombrer dans l’anthropomorphisme, nous ne nous attarderons pas davantage à chercher une quelconque origine à leur sens moral.

    b - Pourquoi l’homme croit-il en Dieu ?

          1 - La Religion comme tentative d’explication du monde :

    Il est difficile d’imaginer ce que l’on n’a jamais vu, jamais expérimenté. Pour y parvenir, le cerveau humain utilise les analogies : le tonnerre peut alors donner naissance à un dieu menaçant [cf : interprétations] ou des événements mystérieux aboutir à un culte [cf : le culte du cargo].

Le culte du cargo.

    L’homme a ainsi imaginé des agents doués d’intention derrière chaque phénomène ou sensation inexplicable.

Ce lieu est hanté ! (Dark Hedges.)

    De même, face à la mort, il a pu imaginer un monde parallèle où familles et amis pourraient se retrouver, un monde identique au monde connu [cf : le culte des ancêtres]. Qu’imaginer d’autre que ce que l’on connaît déjà pour aborder ce que l’on ignore ?

    A un moment donné, la science elle même n’a pas échappé aux explications plausibles donnant foi à l’existence d’une vie extraterrestre, trompée par les moyens non adaptés encore à sa disposition.

A défaut d’avoir des moyens d’observation suffisamment précis,
les premiers astronomes ont vu sur Mars des canaux, preuve de vie, tels qu’ils les connaissaient sur terre.

Les reliefs de Mars,
et leur interprétation par Schiaparelli en 1877.

    Une étude de 2016 [mêlant phylogénétique et anthropologie des croyances], menée auprès de 33 populations de chasseurs-cueilleurs a ainsi déterminé que la première forme de religion a probablement été l’animisme, chaque chose possédant un esprit, tout comme l’homme. Ces esprits, demeurant inaccessibles, ont fait naître la croyance qu’ils menaient leur existence dans un « au-delà » : le chamanisme et le culte des ancêtres sont alors apparus pour établir une passerelle avec ces entités invisibles.
Les dieux seraient survenus plus tard. Le plus vieux site connu dédié à des divinités situé à Göbekli Tepe en Turquie, remonte à 12 000 ans.

Site de Göbekli Tepe.

    Si l’évolution a permis l’apparition des religions animistes par le biais des émotions, de la curiosité et des mécanismes analogiques, ces religions pourraient-elles être à l’origine du sens moral ?

« En l’absence de connaissance du monde, le dieu permet de répondre à ses mystères.
La religion va assurer, ainsi, une communauté de certitudes. »


          2 - La religion pour renforcer le lien communautaire :

    Peut-on imaginer une société qui serait à la fois morale et sans religion ?
La science peut étudier ce qui existe, mais elle a besoin de comparer pour parvenir à une conclusion. Or, on ne trouve pas de société humaine sans religion, d’où l’impossibilité d’étudier la morale seule dans ces conditions. Si l’on s’intéresse aux pays qui ont subi des tentatives d’éviction de la religion comme la Russie, le Tibet ou le Cambodge, on constate que ces tentatives ont eu parfois un effet désastreux sur l’organisation sociale. Que la religion ait été presque immédiatement remplacée par une religion d’état (culte de l'être suprême pendant la révolution Française), que les chefs religieux aient été écartés (comme le patriarche Tikhon de Moscou), remplacés (comme Gyancain Norbu au Tibet), elle a toujours survécu.

Fête en l'honneur de l'Être suprême, 1794. Musée Carnavalet, Paris.

    A l’appui de ces constatations historiques, les études menées par les anthropologues sont aujourd’hui catégoriques. Selon Joseph Henrich, chercheur en biologie de l’évolution humaine (université Harvard - Etats-Unis), « En favorisant le comportement social, la foi en un Dieu tout-puissant a stimulé l’expansion des civilisations ».
Ce dieu était le plus souvent représenté sur Terre par le souverain régnant. En renforçant son pouvoir, il maintenait ainsi la cohésion du peuple.
    On peut toutefois s’interroger sur le comportement social qui prévaut au sein de la religion : est-il vraiment une composante du sens moral qui découle de l’empathie ?

« Les religions semblent indispensables pour souder les communautés humaines. »


    c - Les religions, facteur d’intégration sociale :

          1 - Une coopération spontanée :

    Le sociologue français Émile Durkheim considérait que les bénéfices qu’apportait la religion à la société lui donnaient une « utilité laïque ». En soudant le groupe face au monde extérieur, elle remplissait à ses yeux une fonction sociale. De son côté, un sociologue américain, Rodney Stark, grâce à l’étude des grandes pestes qui ont ravagé l'Empire romain, a pu estimer que les premiers chrétiens, plus solidaires des malades, résistaient mieux à la maladie.

La peste à Marseille en 1720.

    De même, l'anthropologue Richard Sosis, de l'université du Connecticut, et le psychologue Eric Bressler, de l'université de Westfield, étudiant les données historiques disponibles sur 83 expériences de vie communautaire aux Etats-Unis, aussi bien religieuses que laïques, ont constaté une durée de vie des communautés religieuses quatre fois supérieure (en moyenne trente-six ans contre huit pour les laïques). Ce résultat a été rapproché des exigences plus nombreuses imposées aux communautés religieuses, lesquelles tendent à consolider le groupe.

    De même, en analysant les données sur la solidarité et l'entraide dans de nombreux cultes, le biologiste David Sloan Wilson, professeur à l'université de Binghamton (États-Unis) a montré que les religions permettent à leurs fidèles de réussir ensemble ce qu'ils ne pourraient réaliser seuls.

    Si, selon ces études, les comportements religieux auraient pu être sélectionnés au cours de l'évolution pour favoriser la coopération, ces conclusions ne peuvent être retenues : en effet, les conditions de vie des premiers chrétiens, soudés par les persécutions, ne peuvent être comparées à celles qui prévalent dans les sociétés actuelles.

    Pourtant, certaines hypothèses ont pu être vérifiées : on trouve en effet des dieux moralisateurs dans les sociétés les plus grandes et les mieux structurées. Les principes moraux qu’elles font partager les préservent des conflits internes qui menacent normalement les groupes qui prennent de l’importance : cela peut expliquer qu'elles aient survécu.
Toutefois, si les sociétés dotées de dieux moralisateurs sont davantage préservées des conflits internes, lorsque des religions concurrentes cohabitent, les rivalités entre groupes peuvent miner les relations au sein de la société toute entière – l’exemple récent des rohingyas de Birmanie en est une parfaite illustration.
    Ainsi, même s’il est avéré que les religions favorisent l’entraide entre les fidèles, elles génèrent aussi des conflits : il est donc difficile de leur attribuer l’origine du sens moral.

          2 - Un rôle moral :

    Le sens moral individuel suffit à maintenir la cohésion au sein de la famille. De même, dans les sociétés tribales, le nombre limité des membres permet à chacun d’évaluer les autres. Les règles de conduite sont ainsi maintenues puisque chacun tient à protéger sa réputation.
Mais lorsqu’une société rassemble des milliers, voire des millions d’individus, ce fonctionnement simple n’est plus possible et le système moral peut s’effondrer. À ce stade, un pouvoir politique puissant doit se mettre en place.

Sens moral individuel et règles collectives de comportement.

    Ce pouvoir va lui-même être renforcé par un dieu auquel rien n’échappe.

Association des pouvoirs politique et divin.

    La religion va ainsi relier et unifier les comportements autour d’un totem, d’une croyance, ou d’un chef religieux.
Si le sens moral initié par l’empathie tend à relier les individus proches, le comportement moral va devenir le lien raisonnable qui transforme un ensemble d’individus distincts en une communauté.

Le totem.
Le culte des morts.
Le culte d’Aton.


« La religion intervient comme soutien du pouvoir politique
en renforçant les liens sociaux. »


B - Le rôle politique de la religion :

    a – Pourquoi un Dieu unique s’est-il imposé ?

    L’apparition des grandes religions résulte des nouvelles conditions apparues dans des empires dont l’étendue interdisait les interrelations directes entre individus et éloignait le pouvoir de son peuple.

Extension maximale du Nouvel Empire vers -1450.
Instauration du culte d’Aton sous Amenhotep IV (-1353 à -1337).

Le royaume Babylonien (-626 à -639)
.
    Là où la cohésion sociale peinait à être assurée par le seul pouvoir politique, la religion pouvait assurer le lien entre les hommes. Toutefois, si des empires comme les empires égyptien, perse ou babylonien se satisfaisaient de dieux multiples aux fonctions bien établies, les dieux représentés par des statues pouvaient être amenés à disparaître avec la destruction de leurs images et de leurs temples.

    Nous avons pu voir que l’évolution des croyances s’est faite vers une humanisation des dieux, pour aboutir à une famille divine et enfin à un dieu majeur tout puissant.
    Pour que cette évolution du dieu ait lieu, une mutation progressive des sociétés s’est imposée, le passage d’une croyance à une autre ne pouvant avoir lieu sans l’adhésion des populations. C’est ainsi qu’en Egypte, l’instauration du dieu Aton par la seule volonté d’Amenhotep IV (futur Akhenaton) s’est soldée par un échec.
Comment le dieu Yahvé a-t-il pu alors s’imposer ?

Evolution vers le dieu majeur.
Transformation du dieu vaincu en dieu justicier.

    S’il était difficile de maintenir le lien entre les membres d’un empire, conserver ce lien à l’intérieur d’un peuple vaincu et exilé était un défi irréalisable. Jusqu’ici le dieu avait une fonction essentielle : protéger le peuple d’un ennemi extérieur, et subvenir à ses besoins. Or le dieu du petit royaume de Juda venait d’échouer dans sa mission : vaincu par Nabuchodonosor, une partie de son peuple partait en exil et aurait pu disparaître, assimilé par son vainqueur. En passant du statut de dieu vaincu à celui de dieu qui punit son peuple pour sa désobéissance, il est alors devenu le dieu à la fois guide et unificateur d’un peuple dispersé : 2500 ans plus tard, ce peuple, ayant conservé le lien commun de la croyance et des rites, demeure toujours uni et identique à lui-même.
    C’est ainsi qu’une société dispersée peut préserver son identité durant des millénaires si elle conserve une religion commune qui l’unit au-delà de l’espace et du temps.

« A défaut d’être à l’origine du sens moral,
la religion, en renforçant l’autorité en place, favorise son maintien. »


    b - L’évolution historique des religions dans les sociétés – progrès et récession :

    Si la recherche a montré que le sens moral avait été sélectionné par l’évolution, elle n’a pu démontrer une sélection de la croyance religieuse, Cette dernière découlerait plutôt de notre capacité à chercher des réponses aux phénomènes inexpliqués.
On constate, par contre, que le sens moral, mis en évidence dès la petite enfance, s’impose comme lien social lors del’instauration de la famille.

    Par la suite, les comportements moraux ont été codifiés et adaptés à chaque société. Les pouvoirs politique et religieux n’ignoraient pas ces règles de bon fonctionnement : les comportements individuels asociaux ont ainsi pu être contrôlés, sans toutefois permettre l’épanouissement du sens moral.

    Qu’en est-il du fonctionnement des sociétés qui ont adopté successivement le dieu unique ?
On peut distinguer deux périodes principales :
- dans un 1er temps le sens moral individuel s’est imposé sous l’impulsion de guides, Abraham, Moïse, Jésus et Muhammad.
- puis on assiste à une reprise en main des pouvoirs politique et religieux.

De l’ouverture de la conscience à l’instauration des dogmes.

    Cette transformation est identique à celle que l’on observe dans le développement de l’enfant : le sens moral inné va être réorienté au gré des époques, des cultures et des conditions environnementales.

Le comportement de l’adulte influe sur celui de son enfant.

    c – L’évolution collective du sens moral :

    Nous avons abordé cette tendance qui nous pousse à conserver nos acquis. Comment se traduit-elle dans le développement des sociétés ?
On observe tout d’abord une longue maturation de la pensée collective. Puis survient une personnalité qui concentre dans son enseignement l’ensemble des connaissances précédemment acquises. En les mettant en évidence, elle crée un foyer de développement qui rénove et améliore les croyances préexistantes, marquant ainsi une étape historique dans l’évolution des sociétés…
C’est ainsi que le passage au Dieu unique s’est accompagné de progrès (avec Abraham les sacrifices aux dieux ont été abolis et Moïse a posé les fondements de tout comportement social), sans toutefois supprimer tous les éléments négatifs (l’emprise de l’homme sur la femme avec droit de vie et de mort a persisté).

Evolution des sociétés du dieu unique .

    C'est alors que le progrès va se trouver confronté aux pouvoirs et habitudes en place : ce n’est qu’après une inévitable régression que le lent processus évolutif se remettra en marche. Il coexistera avec une stagnation de la connaissance et du sens moral liée à l’instauration d’un dogme le plus souvent inébranlable.

Evolution et régressions successives.


« Si le sens moral inné a été sélectionné par les religions,
les biais de la pensée et les intérêts collectifs ont fixé les croyances. »


C – L’influence de la religion sur le sens moral - Le rôle de Dieu :

    Le rôle de Dieu va s’exercer de multiples façons pour renforcer le sens moral de l’individu.

    a – La prière :

    La première pratique consiste à resserrer le lien social par des prières collectives. Ayant pour objectif premier de remercier la divinité pour ses bienfaits, elle se réduit bien souvent à quémander des bienfaits complémentaires.
Ce faisant, l’adulte, qui aurait pu se montrer conscient du monde extraordinaire dans lequel il vit, agit comme un enfant inquiet pour lui-même et son avenir, implorant un Père Tout-puissant de le protéger et lui apporter tout ce à quoi il n’a pas eu accès.

Le rapport à Dieu : le remerciement.

Le rapport à Dieu : la sollicitation.

    Une fois le lien social établi, des rituels vont apporter à l’individu les moyens indispensables pour apaiser ses tourments.

    b - Les rituels de purification :

    Ils constituent eux aussi une adaptation au besoin naturel de l’homme d’appartenir à une communauté. Le baptème chrétien marque ainsi l’entrée du nouveau né dans sa famille élargie après avoir été lavé d’un « péché originel ». Il marque, pour l’adulte qui se convertit, l’intégration dans une communauté protectrice.

(Baptême du nouveau-né – entrée dans la communauté)


(Baptême de jésus – changement de communauté)


    c - La réparation des fautes - Les pénitences :

    Si la justice impose la punition, la religion propose d’autres moyens de réparer les fautes. Ainsi, lorsqu’il est impossible de réparer une faute commise envers autrui et soulager la peine de la victime, s’infliger volontairement une punition semble une réponse appropriée. C’est ainsi que, dans de nombreuses religions, il sera possible d’expier une faute par diverses pénitences (jeûne, flagellation, mutilation).
Ces pratiques peuvent découler d’un choix individuel, ou être incitées par l’institution religieuse.

Incarcération.

Flagellation.

    d - La justice immanente :

    La morale laïque ne peut pas toujours répondre à certaines injustices qui demeurent alors impunies. De plus, les peines infligées aux coupables sont souvent jugées insuffisantes par les victimes.
Par le paradis et l’enfer, la justice divine peut alors pourvoir à ces carences. Celui qui a pu échapper à la justice temporelle ne sera pas oublié dans l’au-delà. Il en sera de même pour le bienfaiteur dont la conduite exemplaire sur Terre n’aurait pas été reconnue : le Paradis lui sera acquis.

Pourtant, les règles morales inscrites dans les textes anciens qui ont initié les grandes religions et qui devraient guider des milliards de fidèles sur la voie du sens moral démontrent à chaque instant leur peu d’influence sur les comportements. Ces textes les rassemblent autour de l’idéal qu’ils représentent et de l’autorité supérieure qui les a inspirés mais, en réalité, peu sont capables de mettre en pratique cet idéal de vie.

Deux modèles religieux différents apportent leur concours à ce sens de la justice.
    - Un premier type de réparation est celui de la récompense ou de la punition : elle est décrite par la pesée des âmes chez les Égyptiens, et ce jugement a été repris dans les religions actuelles.

Pesée du coeur chez les Égyptiens du Nouvel Empire.

La sanction de l’enfer ou du paradis.

    - De son côté le concept de karma constitue une approche différente : chacun peut se fourvoyer, mais il a toujours, après une période de souffrance, la possibilité de comprendre ses erreurs. S’il se transforme, il interrompra le cycle des réincarnations.
Cette approche tend plutôt vers le bonheur individuel, la cohésion sociale n’étant concernée que secondairement une fois l’homme parvenu à la paix intérieure.

La transformation dans la renaissance.

    Basée sur de multiples règles de comportement qui assurent le lien entre les membres d’une collectivité, la religion pourrait-elle avoir une origine autre que divine ?

« La religion favorise la cohésion sociale.
Les règles morales qu’elle propose ne pourront s’exprimer largement
que dans le cadre d’une société stable. »

D – Les failles de la religion :

    a – Le coût - gaspillage et souffrance, les incohérences biologiques :

            1 - Du bien-être à la souffrance :

    Nous avons pu voir que le sens moral inné tend à apporter du bien être, à soi comme à l’autre. C’est en contradiction avec les coûts biologiques qu’imposent les religions à leurs fidèles : les croyants sont en effet bien souvent amenés à prendre des risques qui mettent leur santé et parfois même leur vie en jeu au nom de leur foi !
Pourquoi l’homme agit-il ainsi ? Quels réels bénéfices en retire-t-il ?

            2 - De l’écoute de soi au gaspillage :

    Interdits, rituels réguliers, sacrifices, comment de tels comportements ont-ils pu s'imposer? Et surtout, pourquoi ? Ils constituent en effet un paradoxe par rapport à ce que l’on connaît de l’évolution. Sur le plan de la sélection naturelle, tout animal qui consacrerait temps et énergie à autre chose qu'à se nourrir, se reproduire, observer et découvrir l’environnement verrait sa survie compromise. Même le temps consacré au jeu chez le jeune, est un entrainement à l’attaque, la défense, la chasse, toutes choses indispensables pour sa vie future.
Or, la religion est cause d’un gaspillage biologique impressionnant. Pour en mesurer l’étendue, il suffit de mesurer le temps nécessaire et le nombre de vies sacrifiées pour bâtir une cathédrale au Moyen Âge, celui consacré à la prière, aux mortifications multiples, sans compter les guerres de religion !
Au vu de ces données, on ne peut que s’interroger : si la religion est bien apparue à un moment donné chez l’espèce humaine, pourquoi n'a-t-elle pas été supprimée par l’évolution ?

    b - Crédulité et religion - Les failles de l’esprit critique :

          1 - Les mécanismes qui poussent à croire :

    Nous connaissons bien, maintenant, les circonstances liées à l’apparition de à la croyance religieuse. Mais, pour mieux en approfondir le processus, il est nécessaire de comprendre les mécanismes généraux qui poussent l’homme à croire.
Lorsqu’on reçoit une information, il est rare que l'on réagisse immédiatement en la mettant en cause. En l'absence d’éléments confirmant ou infirmant cette information, l’esprit critique semble inexistant : on est porté à croire.

    En effet, dans les conditions de survie, la rapidité de réaction est essentielle, elle a donc été sélectionnée par l’évolution.
Prenons un exemple : vous vaquez à vos occupations quand soudain un ami surgit derrière vous et vous fait peur. Avant même d’avoir réfléchi à la question, vous sursautez. Ce n’est qu’après coup que vous allez reconnaître l’absence de menace.

La réaction survient avant la reconnaissance.

    Le cerveau est programmé pour agir. Confronté à une information dont il ne peut vérifier rapidement la véracité, il anticipe aussitôt la réponse : cette rapidité de décision est un paramètre essentiel dans la façon sont forgées nos convictions.
« Croire » immédiatement à un danger est la seule réponse valable pour y échapper.

    Cette réaction appartient aux mécanismes instinctifs.
Elle est très éloignée du sens moral de l’enfant dont la réaction première est de faire confiance, avant de modifier son jugement sur la personne si elle apparaît non fiable [cf : L’apprentissage grâce à la confiance].
L’enfant forge son jugement à partir de ce qu’il ressent, mais aussi à partir du cheminement logique de sa pensée basée sur la réalité des faits [cf : Les capacités naturelles].
Que reste-t-il des capacités de l’enfant chez l’adulte ?

    Nous savons à quel point l’esprit critique [cf : Le circuit de la négation] a de la peine à s’exercer lorsqu’une information est spectaculaire. Il a d'autant plus tendance à s'affaiblir qu'une affirmation est reprise par un grand nombre. Pour prendre un exemple actuel, si la même information est retrouvée sur plusieurs sites Internet, ou reprise par des centaines de personnes qui n’ont pas cherché à la vérifier, la conviction se renforce : la mécanique de la crédulité est en route, renforcée par le plaisir de détenir et relayer une information spectaculaire.

La video spectaculaire d’un fantôme qui circule dans un couloir,
descend des escaliers, ou qui ouvre une porte afin de se montrer,
fait oublier que cette « entité » immatérielle n’est pas tributaire
des conditions matérielles qui s’imposent aux êtres vivants.

    Très rapidement, la conviction peut se transformer en croyance.

    Dans le temps d’une vie humaine, on peut imaginer que l’enfant va, dès son plus jeune âge, se trouver confronté à des informations qui vont à l’encontre de son intuition des lois physiques. Le Père Noël qui fabrique des milliers de jouets et les distribue en une nuit accoutume à l’impossible.
Les réseaux sociaux sont aujourd’hui, pour les adolescents et beaucoup d’adultes, les vecteurs de croyances les plus efficaces (ils peuvent amener à croire, par exemple, que les nuages de condensation qui se forment en haute altitude au passage des avions de ligne sont des poisons dispersés volontairement pour nuire à l’homme).

    Nous avons également pu voir que l’ignorance d’un phénomène a amené à rechercher une explication plausible et le plus souvent rassurante. L’existence du dieu répond à des attentes : en tant qu’entité bienfaitrice dotée de pouvoirs, il peut exhausser les prières, en tant qu’identité menaçante, il peut être amadoué par des présents.

    Des expériences vécues résultant le plus souvent de pathologies vont aussi renforcer ces certitudes.

    Schématiquement, on peut considérer qu’il existe trois manières de faire naître de nouvelles croyances.
- Nos sens peuvent nous tromper. Dans les cas extrêmes, il est même possible que des altérations de la perception suscitent des croyances extravagantes. C'est le cas de certaines pathologies où les sujets ne reconnaissent plus un de leurs membres et en concluent à la présence d'une autre personne dans leur dos.
De même, la sensation de « déjà vu » peut s’expliquer par un disfonctionnement passager dans la gestion de la mémoire : normalement, la prise de conscience d’un événement se produit avant sa mémorisation, mais dans certains cas (un retard dans la conduction nerveuse par exemple) la mémorisation peut précéder la prise de conscience d’où l’impression d’avoir déjà vécu cet instant.
- Notre raisonnement peut-être insuffisant, et aboutir à une conclusion malgré des connaissances incomplètes. C’est ainsi que la méconnaissance des mécanismes de condensation à haute altitude a pu générer la croyance en la dispersion d’un poison par les avions.
- On peut enfin recevoir une information dont le contenu va nous subjuguer [paréidolie].

Cydonia Mensae, observé en 1976,
puis en 2001 par Mars Reconnaissance Orbiter.


La Nébuleuse de la tête de sorcière.


    Chacun de ces mécanismes est susceptible de provoquer de fausses croyances.

          2 - Le passage de la réalité à la croyance :

    On peut cependant comprendre cette tendance à croire : elle répond le plus souvent à nos attentes.
Mais pourquoi cette incapacité si répandue à renoncer à la réalité ?
Désir et croyance obéissent pourtant à des fonctions cognitives bien distinctes : les désirs sont des représentations de choses ou d'événements qui correspondent à des objectifs à atteindre, tandis que les croyances ont pour but de décrire au mieux ce que l’on peut saisir de la réalité.

Objectif.
Description.
Si les croyances occupaient systématiquement la place des désirs, nos comportements seraient figés à jamais, et notre espèce condamné à terme.

    c - Les contradictions – la religion, facteur d’intolérance et de conflits :

    La morale instituée par les religions actuelles est omniprésente. Souvent proche de la superstition, elle a perdu la plupart de ses caractéristiques originelles… Elle a non seulement supplanté la morale respectueuse de la Terre Mère des sociétés animistes, mais elle a prévalu sur les mouvements philosophiques, tel l’épicurisme et le stoïcisme qui, eux aussi, proposaient à leurs adeptes une éthique précise et exigeante.
    Sans doute est-ce la facilité avec laquelle les dieux accordent leurs bienfaits et pardons qui les font perdurer. Sans doute est-ce également les réponses simples qui confortent les esprits imprégnés de leurs propres certitudes qui a entraîné cette adhésion aveugle…

Réunion du Ku Klux Klan.

    On ne peut que s’étonner des contradictions qui ont cours au sein de chacune des religions. Les plus voyantes interrogent lorsqu’elles sont exploitées par les extrémismes.

Jean 13 : 34 « Aimez-vous les uns les autres »
    Catholicisme et inquisition.
    Chrétienté et esclavage.

Exode 20 : 13 « Tu ne commettras pas de meurtre »
Exode 20 : 15 « Tu ne commettras pas de vol »

    Judaïsme et annexions.

Coran 48 : 5 « Si Dieu l’avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté. Mais il a voulu vous éprouver par le don qu’il vous a fait. Cherchez à vous surpasser les uns et les autres par les bonnes actions. Votre retour à tous se fera vers Dieu, il vous éclairera au sujet de vos différends ».
Coran 10 : 99 « Si ton Seigneur l’avait voulu, tous ceux qui sont sur la terre auraient cru. Est-ce à toi de contraindre les gens à devenir croyants ? ».

    Islam et esclavage.
    Islamisme et terreur.

    Tous ces extrémismes ont généré et génèrent encore la terreur et l’incompréhension au sein de populations qui n’ont jamais souhaité que la paix.
Il est donc raisonnable de se poser la question de ce que pense Dieu de l’homme, de sa façon d’interpréter ses conseils ou ses injonctions, et du pillage de sa création. [NdA]

    d - Les imperfections de la sélection naturelle :

    Il va de soi que la sélection naturelle ne peut crée pas instantanément des organismes achevés, ni des comportements parfaits.
Elle crée par contre des systèmes capables de s’adapter dans le temps et qui seront supprimés s’ils sont insuffisants.
    La mort a ainsi été intégrée dans les processus évolutifs. Une durée de vie limitée permet de ne conserver que les systèmes utiles à une période et dans un environnement donnés. On peut constater ce processus aussi bien dans le domaine biologique que politique. Il apparaît, dès l’état fœtal, dans le mécanisme d’apoptose qui supprime les tissus devenus inutiles, et on le retrouve dans les états démocratiques dont le président où le premier ministre voit son mandat limité dans sa durée.

    Les sciences cognitives révèlent aussi que si nous sommes équipés de mécanismes capables de vérifier la cohérence des informations reçues, elles soulignent que notre esprit ne peut être exhaustif : pour se forger une opinion, il utilise de nombreux raccourcis loin d’être parfaits.

    Le psychologue américain Robert Cialdini a décrit l’un d’eux : en cas d'incertitude, on a tendance à construire ses connaissances et ses croyances en s’appuyant sur ce qui est admis par le plus grand nombre. Plus une croyance est partagée, plus elle a des chances d'être retenue par le système cognitif.
C’est donc grâce à la mise en commun des connaissances du moment que les réponses obtenues sont sélectionnés.

    Cette stratégie se révèle correcte dans la plupart des cas, mais elle peut amener à adhérer à des idées fausses. Les responsables de sectes l'ont bien compris : l’une des stratégies qu’ils exploitent consiste à regrouper leurs émules et à faire en sorte qu'ils se trouvent toujours entourés de personnes qui pensent comme eux.

    Aujourd’hui, ce mécanisme ne s’adresse pas seulement aux groupes repliés sur eux-mêmes : de fausses informations relayées avec insistance par les médias ou les réseaux sociaux peuvent attirer des millions d’admirateurs ou de militants convaincus, et cela dans tous les domaines.

    Une autre fragilité de notre système cognitif fréquemment utilisée par les manipulateurs est la recherche du bien-être : l’une des sélections de l’évolution consiste en effet à choisir les actions qui procurent du plaisir, et à éviter les autres. Eveiller l’attention par une promesse de plaisir (décision politique à venir ou objet générateur de bonheur) supprime donc bien souvent tout esprit critique.

Avec moi l’argent, la sécurité, le bonheur.


Avec elle la sécurité, l’aventure, l’écologie, le bonheur…

    Tous ces biais dans les mécanismes de la pensée entraînent des risques vitaux que l’évolution n’a pas négligés. Aussi a-t-elle mis en place un système de filtrage de l’information.
Tout l'art de celui qui souhaite influencer consiste alors à formuler ses affirmations en donnant à l’information une tournure apparemment logique, ou en utilisant des complices pour créer un effet de consensus.
C’est ainsi qu’aujourd’hui, les fausses informations relayées par un grand nombre d’esprits fragiles l’emportent sur des informations avérées concernant la dangerosité d’un personnage médiatique, d’un virus ou d’un produit de beauté.

Appuyer son discours
sur un livre d’émanation divine
peut faire admettre les fausses informations.

    Il suffit de parcourir les rubriques des faits divers qui abondent en escroqueries en tous genres, sans oublier les publicités mensongères qui sont trop souvent prises pour de véritables informations, alors qu’elles résultent d’une manipulation qui exploite efficacement tous les biais de la pensée humaine.

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    Qu’en est-il, de nos jours, des grandes religions dans le monde ? Leur développement a-t-il subi l’impact des altérations de notre système cognitif ?

E - Les religions, facteur ou conséquence de l'intégration dans la société ?

    Nous avons pu voir que les religions sont devenues un ciment de la société, en complément du pouvoir politique.
Postulant un être transcendant à l’origine de tout, elles posent comme principe que ce sens universel d’une justice immanente relève d’une volonté divine. Mais, en justifiant ainsi les intuitions morales des croyants, elles nient les causes naturelles qui découlent de l’évolution.

Volonté divine ou évolution ?

    a - La religion aide-t-elle à construire des liens ?

    Certains évolutionnistes soutiennent que la religion dérive d’un ensemble d’aptitudes sociales : elles constitueraient donc un épiphénomène dérivant de capacités préexistantes chez l’homme.
La plupart des biologistes, de leur côté, voient dans la religion une adaptation particulière de l’évolution procurant un avantage pour la survie ou la reproduction.

    Toutefois, si la religion unifie les hommes qui partagent les mêmes convictions, elle ne joue pas toujours le même rôle dans les sociétés. Certes, elle unifie des tendances au sein de territoires où pourront ainsi se côtoyer chrétiens, bouddhistes, musulmans, groupes ethniques et politiques aux inclinations parfois opposées.
En ce sens, elles participent à l’exercice du sens moral d’un groupe qui devra toutefois s’adapter à la morale de l’ensemble de la société. Pourtant, cette même solidarité entre membres d’une religion, peut les rendre aveugles aux autres croyances, et les amener à oublier que tous les hommes ont une origine commune.

Les religions unifient des populations
dont l’étendue dépasse le cadre des états.

Au sein d’un état (ici le Liban), elles peuvent générer des conflits.

Dans un état laïque, le respect de la liberté de culte
permet à des populations aux croyances diverses de vivre en harmonie.

« Si les religions favorisent la coopération et l’entraide en leur sein,
elles peuvent être rivales et à l’origine de conflits. »


    b - Retour aux origines de la morale :

    Même si les religions peuvent être profondément établies dans les sociétés, on ne peut pas toujours affirmer qu’elles sont importantes pour l’épanouissement des valeurs morales. De plus, lorsqu’on s’intéresse au comportement général des athées, on constate qu’ils se montrent souvent bien plus moraux que d’autres qui justifient tous leurs actes au nom de la religion ou du dieu qui les anime.

    C’est ainsi qu’une étude menée en 2012 par des chercheurs de l'université de Californie à Berkeley, a montré que le sentiment de compassion éprouvé face à un drame ou à la pauvreté inciterait davantage les athées et agnostiques à être généreux que les croyants.
On peut citer une autre étude, conduite cette fois en Malaisie, qui semble également montrer que les croyants sont plus enclins à donner à ceux qui appartiennent à leur propre confession.

« Si les religions favorisent la coopération et l’entraide,
elles n’en ont pas le monopole. »

F - Les raisons de croire :

    a - Du sens moral de l’enfant à la morale religieuse :

          1 - L’apprentissage de la confiance :

    Si le fonctionnement rationnel de l’adulte est autant sujet à caution, comment l’enfant procède-t-il alors pour apprendre de ceux qui lui communiquent des informations ?
Dans un premier temps, il lui est évidemment impossible de mettre en doute ce qui lui est dit : l’existence présumée d’un Père Noël en est le meilleur exemple. Pour douter, il lui faut, soit constater que ce qui est avancé ne correspond pas à la réalité, soit accéder à d’autres informations qui contredisent ce qui lui a été communiqué. Les nouvelles informations sont ainsi comparées en permanence aux précédentes pour s’approcher au mieux de la réalité.

    Comme nous avons pu le voir, chez l’enfant, la confiance passe d’abord par l’observation et, si possible, la vérification. Ultérieurement la confiance ne sera accordée qu’à ceux qui ont apporté la preuve du sérieux de leurs informations. Les adeptes des fausses informations sur les réseaux sociaux pourraient prendre exemple sur le comportement des enfants âgés de seulement 2 ans.

          2 - L’apprentissage du doute :

    Les chercheurs ont ainsi pu montrer que, dès l'âge de 16 mois, les enfants excluent les connaissances apportées par des informateurs qui donnent des noms erronés à des objets déjà familiers. Puis, vers l'âge de trois ans, ils se montrent capables de faire la différence entre des sources exactes et erronées. De même, ils ne suivent pas aveuglément une source apparemment fiable s’ils constatent que celle-ci s’avère contredire ce qu'ils ont pu découvrir par eux-mêmes.
    De plus, lorsqu’ils ont intégré une information, ils peuvent même oublier qu'ils ont pu posséder une connaissance différente dans le passé, mécanisme similaire à celui de l’apoptose qui permet de s’alléger des systèmes devenus inutiles.

    b – L'homme croit-il en Dieu ?

          1 – Le sens moral du croyant :

    Si la religion indique des règles de conduite, et même si ces règles ont pour origine un dieu, l’homme obéit-il à ces règles ? Et s’il les ignore, peut-on affirmer qu’il croit en Dieu ?
Tous ses actes montrent au contraire qu’il ne songe qu’à satisfaire ses désirs.
Quelle que soit sa religion, il ne songe trop souvent qu’à obtenir tout ce qu’il veut : un territoire, un objet, une femme, un enfant. La prière est révélatrice en ce sens : « Donne-moi aujourd’hui… » « Pardonne-moi … »
Où sont les efforts personnels ? Où sont les remerciements ?

    De plus, pour obtenir ce qu’il désire, le croyant ne songe trop souvent qu’à utiliser tous les moyens dont il dispose : les armes, le meurtre, ou le vol…
Il justifiera alors ses actes par la volonté de son dieu ou de son prophète et, si sa religion le lui permet, il demandera à son conseiller moral de lui accorder l’absolution, ou à Dieu lui-même de lui accorder son pardon.
Un homme qui croit vraiment en Dieu ne peut-être un homme qui s’approprie le bien d’autrui, c’est un homme qui aime, partage et respecte la création de ce Dieu en lequel il croit.

          2 – La place de la jeunesse dans le maintien des religions :

    Nous savons que l’enfant, avant l’acquisition du langage, possède déjà le sens de l’entraide, la connaissance de la bonté et de la méchanceté, et l’esprit de justice. Qu’advient-il de ces acquisitions dans son évolution vers l’âge adulte ?

    Confronté à l’injustice, le jeune se révolte, mais il se heurte à la résistance des habitudes en place. Dans ce combat inégal, il a rarement l’avantage.
Trop différent, dans ses aspirations, des objectifs de la société dans laquelle il vit, il lui reste l’anarchie, à moins qu’il ne se replie dans un état tribal où il développe son propre système économique : s’il fait bien souvent de la religion un symbole d’appartenance, il croit rarement à un dieu.
Mais alors, si, lui-aussi, ne songe pas à Dieu, qui y pense ?

          3 - Que pense Dieu ?

    Confronté à toutes ces discordances entre la foi en un Dieu universel qui parle d’amour et de respect, et le peu d’adhésion à ces principes, on peut alors s’interroger sur les raisons qu’invoque l’homme pour justifier ses comportements.
Quelles pensées attribue-t-il à Dieu ?

    Par exemple, que pense Dieu de l’avortement, de la peine de mort, de l’esclavage, du mariage homosexuel, de la drogue, des races ?
Pour répondre à cette question, Les psychologues Nicholas Epley et ses collègues, de l’Université de Chicago, ont interrogé un grand nombre de personnes, toutes croyantes. Ils ont alors constaté que les personnes interrogées ont tendance à considérer que le point de vue de Dieu sur ces questions est... le leur !
Les conservateurs sont certains que Dieu serait favorable à la peine de mort mais qu’il s’opposerait au mariage homosexuel ou à l’avortement. De leur côté les libéraux soutiennent au contraire que, dans sa bonté, il permettrait l’avortement et le mariage gay, et bannirait la peine de mort


    Le Dieu unique serait-il si indécis ? Y aurait-il donc autant de dieux que de croyants ?
Pour tenter de comprendre les fondements de ces affirmations, les psychologues ont alors mesuré l’activité cérébrale des personnes interrogées. Ils ont constaté que le fait de penser à Dieu active des zones du cerveau à l’origine de la « pensée autoréférentielle », des zones qui s’activent chez le sujet qui parle de lui, et exprime sa propre opinion sur un sujet. Ces zones restent muettes lorsqu’il évoque les autres.
    Inversement, il a été constaté que les sujets qui possèdent une prédisposition à accéder à des moments de pleine conscience, présentent une moindre activité de ces mêmes régions.
    Ainsi, chez les croyants, ce sont les mêmes zones du cerveau qui s’activent, qu’ils pensent à Dieu ou à eux- mêmes !
Alors que, depuis 2500 ans, la Bible affirme (Genèse 1:27) « Dieu créa l'homme à son image, il le créa à l'image de Dieu, », les neurosciences d’aujourd’hui portent à penser que c’est l’homme qui se crée la divinité qui répond à ses attentes.

« Est-ce Dieu qui a créé l’homme à son image,
ou est-ce l’homme qui s’est créé le Dieu qui répondait à ses désirs et à ses certitudes ? »


    c – La religion est-elle à l’origine du sens moral ?

    Le sens moral prend-il son origine en Dieu ?
    Nous avons constaté que les très jeunes enfants distinguaient le bien du mal bien avant d’acquérir des convictions religieuses.
    Nous avons vu aussi que des athées manifestaient parfois plus de compassion envers autrui que des croyants.
On pourrait conclure, face à ces deux arguments, que le sens moral relève plus de l’humain que du divin.

    De plus, nous avons appris que des comportements « moraux » se retrouvaient chez les primates et bien d’autres espèces.
Il est donc tout à fait raisonnable d’admettre que l’Evolution est à l’origine de l’émergence du sens moral.

« Possédant des origines différentes, morale et religion s’avèrent être
deux facteurs distincts et complémentaires de l’intégration sociale.
La morale résulte d’un sentiment capable de réunir tous les êtes vivants.
De son côté, la religion est une adaptation humaine utilisant des composantes du sentiment moral
pour renforcer le lien social. »






Prochain chapitre :

4 – Le sens moral à la lumière de la science : (suite)